Le client roi aux Etats-Unis
Le 1er décembre dernier, je publiais ma liste de “7 raisons pour ne pas louer chez Hertz“. J’y parlais d’une mauvaise expérience, et affirmais qu’aux Etats-Unis, le client est roi. Les Européens vivant ici prétendent que les serveurs sont plus dévoués car ils ne sont payés pratiquement que grâce au pourboire. Pourtant, je perçois un meilleur service dans les magasins, ou même au téléphone. Le client serait il donc vraiment roi aux Etats-Unis ?
Une semaine plus tard, agréable surprise. Le responsable du service client Hertz France prenait contact et présentait ses excuses. Je n’avais pas adressé de réclamation à Hertz, et simplement partagé mon post dans les réseaux sociaux. Peut-être que l’optimisation pour les moteurs de recherche a joué un rôle aussi. A date du 1er février 2016, ce blog post est le 7è résultat chez Google pour le mot clef Hertz France. Quelques semaines plus tard, je recevais la lettre suivante, accompagnée d’un bon d’achat de 100 $.
Julia Gaspar-Bates, CEO d’une agence de conseil interculturel, travaille depuis 25 ans à connecter des cultures dans un monde en mouvement. De par son expérience, elle a “… souvent entendu les Français dire, presque avec envie, qu’aux Etats-Unis, le client est roi“. Mes expériences vont dans cette direction.
Le client roi aux Etats-Unis ?
Un vendredi soir avant Noël, ma direction assistée a lâché en plein carrefour. 30 minutes plus tard, le service de dépannage AAA me remorquait jusqu’à chez Midas, là où je fais entretenir notre Honda familiale. Le lendemain, samedi à 14:00 la réparation était finie et nous récupérions notre voiture. Impensable en Allemagne, où les garages ferment le vendredi à 15h00. Impensable en France, les garages sont là-aussi fermés le samedi. De plus, et là est l’anecdote, Midas ne m’a a rien facturé pour la réparation. Rien de rien.
Pourquoi Midas n’a t’il rien facturé ? La réparation était quotée à 560 $ dans le devis d’origine. Mon mari, qui a récupéré la voiture, est retourné deux fois au bureau d’accueil pour s’assurer qu’il n’y avait pas d’erreur. “Non, monsieur, il n’y a pas erreur. La note est pour nous. Nous avons fait une révision complète de votre véhicule il y a deux mois, nous aurions du anticiper ce problème. Nous sommes absolument désolé pour les inconvénients que la panne a pu provoqué.” Incroyable, n’est ce pas ? Chez Midas, le client est roi.
Autre exemple chez Target, un hypermarché à l’américaine. La région de Washington sort juste d’une tempête de neige historique. Personnellement, j’ai été coincée à la maison par la neige cinq jours consécutifs. Par coincée, comprenez 80 cm de neige dans la rue, voiture bloquée, les seules sorties étant celles dans le jardin.
Quand les chasse-neiges sont enfin passés dans les petites rues, les gens se sont précipités pour faire des courses. Ce week-end, les queues aux caisses étaient dignes d’un samedi chez IKEA, situation inhabituelle aux Etats-Unis où vous attendez rarement plus de 2-3 minutes pour régler. Chez Target, une employée passait et repassait devant les clients pour s’excuser. J’ai ainsi bénéficié d’un bon d’achat de 3 $, distribué pour amadouer la clientèle.
Verizon, un beau contre-exemple du client roi
Beaucoup de grandes entreprises, aux Etats-Unis comme en Europe, considèrent le service à la clientèle comme un facteur coût. Pour baisser les coûts, certaines ont délocalisé les centres d’appel. D’autres filtrent d’abord les appels entrant, grâce à un message automatisé permettant un certain nombre de choix. Petit commentaire en passant : à part le fait que je sois une personne en chair et en os, les robots ne comprennent pas les étrangers et leurs accents à couper au couteau. D’autres encore, comme Verizon, proposent un chat sur leur site.
Il est impossible de joindre Verizon par téléphone. Croyez-moi, j’ai tout essayé. Le numéro trouvé sur Google est réservé aux clients du mobile. Les autres numéros ne répondent jamais, ou vous mettent en attente plus de 30 minutes avant de raccrocher automatiquement. En revanche, Verizon propose un chat en ligne. Je l’ai testé pour vous quand j’ai eu besoin d’aide pour mettre en place le “parental control”. Cela est censé mettre en place les heures pendant lesquelles les enfants ont le droit d’utiliser Internet.1 heure inutile, mais très drôle. Je suis intimement persuadée que j’ai eu à faire à une machine, qui ne me comprenait pas.
Le client n’est pas roi dans les administrations américaines
Mes plus mauvaises expériences restent au DMV, pour Department of Motor Vehicles. Pour conduire aux Etats-Unis avec mon permis allemand, j’ai du faire quelques démarches. En France, je serais allée à la Préfecture. Aux Etats-Unis, c’est au DMV.
Je vais être claire. Il faut compter deux demi-journées sur place pour obtenir son permis. Non pour repasser un test comme le code ou la conduite, mais en temps d’attente aux guichets. La première fois, vous aurez fait la queue pendant trois heures pour apprendre que vous n’avez pas les bons papiers, comme ma carte de sécurité sociale parce que c’était une photocopie et non l’original.
La deuxième fois, re- belote, trois nouvelles heures avant de parler avec un employé de mauvais humeur qui vous traite comme un moins-que-rien. Aucune aide à attendre du site internet, où les informations potentielles sont perdues dans une navigation incompréhensible et des milliers de page. Bref, le DMV c’est l’enfer pour ses utilisateurs. Cette bande annonce de Zootopia, le prochain film de Disney-Pixar l’illustre de façon hilarante !
La notion du client roi reste une perception culturelle
Gaspar-Bates a vécu de nombreuses années en France. Pour elle aussi, le service est meilleur aux Etats-Unis. Elle tempère cependant cet avis en recommandant :
“… une exploration culturelle en profondeur. Aux Etats-Unis, il y a une philosophie tacite que le client a toujours raison. La concurrence est rude et les entreprises essayent de se différencier en offrant des services exceptionnels. Leur objectif : fidéliser la clientèle. Les affaires sont très fixées sur les résultats financiers, ce qui donne la main haute aux clients. L’amabilité américaine est éventuellement aussi un facteur important dans la qualité du service. De plus, le droit américain du travail permet un licenciement facile si l’employeur considère que l’employé n’est pas à la hauteur des attentes de la société.”
La perception de la qualité du service dépend aussi des attentes. Les Français, et en général les pays latins accordent plus d’importance au relationnel qu’à l’efficacité. Le même service sera perçu différemment en fonction de l’origine. Même des pays voisins comme la France et l’Allemagne ont des vues profondément différentes sur la question.
Home Depot ou Loewes sont l’équivalent de Mr. Bricolage en France, ou de Obi en Allemagne. Pour les nombreux étrangers qui arrivent sur la région de Washington, Home Depot est une destination indispensable après l’arrivée du container de déménagement.
A cause des différences de mesure, de système d’accrochage, d’ampoules, les clients achètent fréquemment le mauvais article. Retourner un article, même déballé, est une mini-procédure chez Home Depot. A l’entrée du magasin, quatre caisses sont dédiées au retour. Les employés demandent à peine la raison du retour et créditent aussitôt la carte utilisée pour les achats.
Mon mari, français, très attaché aux relations directes, se sent à chaque fois mal traité et décrit les employés “aimables comme une porte de prison”. Un collègue allemand lui vante l’efficacité et rapidité du système !
Alors, client roi ou pas roi aux Etats-Unis ?
Un client a sans doute plus de chance d’être bien traité aux Etats-Unis qu’en France. Cependant, comme le service américain est basé sur l’efficacité, il peut déplaire à des cultures plus centrées sur la construction de relations personnelles ou comme le dit Julia Gaspar-Bates sur la qualité.
“Les Américains mettent le respect des délais en première ligne, alors qu’en France, il y a une tendance à considérer le respect des dates comme une suggestion et non comme une obligation. Les Français sont plus préoccupés par la qualité d’un produit ou d’un service que par le calendrier. Celui-ci peut changer en route en fonction de contraintes imprévisibles.”
En clair, un Américain ne verra qu’un dépassement des délais alors que le Français se réjouira du produit bien fait. L’un sera nerveux et insatisfait, l’autre se félicitera du résultat. Une source de conflit dans tous les projets avec équipe multiculturelle.
Le client est parfois le roi aux Etats-Unis. Mais pas toujours.
Crédit photo: © lassedesignen
Excellente analyse. Une machine a laver Bosch est la plus lente des machines aux USA. Time is money. Je me demande juste ou les américains trouvent leur source de bien-être si dans les interactions de tous les jours ils ne partagent pas un peu de leur personne. Ca explique sans doute pour les psy sont si successful aux Etats-Unis.
Je trouve l’exemple de Apple interessant car il allie la rapidité du service avec la qualité du service. Ce qui sans doute explique le succes mondial.
Aussi une raison pourquoi internet est si merveilleux aux Etats Unis car tout est maintenant, alors qu’il cree un sentiment de malaise et déshumanisation dans d’autres cultures, ou l’interaction humaine est la moitié du plaisir, comme sur les marches en France.
Interesting compromises!
Thank you for sharing your thought, Evelyne