Travailler dur pour réussir aux Etats-Unis ?

Travailler dur pour réussir aux Etats-Unis

Travailler dans des équipes interculturelles signifie partager des vérités souvent non vérifiables. Alors quand une étude publie des chiffres quantifiant des différences entre les Etats-Unis et la France, je me plonge dans les résultats: 73% des Américains disent que travailler dur est indispensable pour réussir, contre seulement 25% des Français.

Je lisais hier un article du PEW Research Center sur les différences entre les Américains et les Européens. Toujours dans cet article, j’ai relevé ce chiffre fascinant quant au concept si américain du “Work hard”. 73% des Américains disent qu’il est très important de travailler dur pour avancer dans la vie. C’est une différence énorme qui explique bien des malentendus entre la France et les Etats-Unis : seulement 25 % des Français sont d’accord avec cela.

Cela veut-il dire que les Français sont tous paresseux ?

Non, bien sûr que non.

En 2013, le PDG du fabricant de pneus Titan International provoqua un tollé dans une lettre au ministre de l’époque (Montebourg) suggérant que les salariés français seraient paresseux.

Mais il faut aussi comprendre que vu des Etats-Unis, la France est un paradis pour les salariés et l’enfer pour les chefs d’entreprises. Outre la semaine de 35 heures, et 5 semaines de congés payés, la France a la législation du travail la plus restrictive des pays industrialisés (dixit l’OCDE). En revanche, si le nombre d’heures travaillées par habitant est l’un des plus faibles au monde, la productivité horaire en France est à peine inférieure à celle des Etats-Unis

Réussir dans la vie ne se définit pas de la même façon

Certes les Français ne partagent pas l’enthousiasme américain pour travailler dur, mais les deux pays se retrouvent dans l’ appréciation de leur réussite personnelle. Selon une étude CSA pour l’ESSEC, 85% des Français et 82% des Américains pensent avoir réussi dans la vie.

En France, l’accomplissement passe par une vie familiale et sociale épanouie. Selon l’Express qui commentait les résultats :

En France, 95% des sondés privilégient la vie de famille. Ils accordent également la priorité à des objectifs avant tout “intimistes”: famille heureuse, temps libre, vie amicale. Et même au travail, le domaine dans lequel le sentiment d’accomplissement est le plus fort est aussi de l’ordre du social: l’entente avec ses collègues.

Aux Etats-Unis, l’accomplissement passe aussi par la famille mais les critères de réussite dans la vie professionnelle ne sont pas d’ordre social comme en France: responsabilité, épanouissement, capacité à sortir du lot sont des facteurs individualistes.

Le carnet d’adresse français contre l’intelligence américaine

Une autre observation intéressante : questionnés sur les atouts indispensables pour réussir dans la vie professionnelle, les Français et Américains sont complètement en opposition. 61% des Américains pensent qu’il faut d’abord avoir les capacités intellectuelles (38% des Français), alors que pour les Français le carnet d’adresse est l’atout le plus important pour réussir sa vie professionnelle (56% des Français, 35% des Américains).

Je parlais de l’importance du relationnel en France dans mon post de la semaine passée. Il n’y a donc rien d’étonnant à ce que les Français favorisent le relationnel, et en attendent un retour. Les Américains, eux, se font d’abord confiance et ensuite confiance à leur capacité à travailler dur.

La place des acquis sociaux en France

N’oublions pas aussi que grâce aux acquis sociaux, il est beaucoup plus facile pour les Français d’accorder plus de place à la famille, aux amis, aux vacances. La semaine de travail légal compte 35 heures. Chaque salarié a droit à 30 jours de congés payés, et ils les prennent ! En 2013, les Américains n’ont pris en moyenne 13 jours de vacances.

J’ai largement parlé de l’équilibre travail-vie personnelle aux Etats-Unis dans ce post. Toujours en 2013, les Américains ont laissé 429 millions de jours de vacances non pris et 61% continuent à travailler pendant les vacances.

La mentalité américaine est complètement différente. Très certainement aussi à cause de son passé, la conquête des Etats-Unis s’est fait à la sueur du front. Seuls les plus habiles et les plus résistants pouvaient survivre. La mentalité est à remettre aussi dans le contexte social : il y a très peu de couverture sociale aux Etats-Unis.

Faut il travailler dur pour réussir aux Etats-Unis ?

Vivant aux Etats-Unis, j’observe au premier rang combien la vie y est dure, surtout comparée avec la France et l’Allemagne, deux pays où j’ai vécu très longtemps. Donc oui, il faut travailler dur pour réussir aux Etats-Unis.

Ici, il n’y a pas de sécurité sociale. Chacun cotise selon ces moyens dans des assurances privées. Le mieux vous êtes couverts, le plus cher elles seront. Il n’y a pas non plus d’obligation légale de congés payés. Dans certaines professions de service, ne pas travailler signifie zéro revenu.

Il n’y a pas de congé maternité payé. J’en ai parlé dans ce post.

Voir des personnes âgées travailler encore dans les grandes surfaces n’a rien d’inhabituel. En 2016, l’office des statistiques américain estimait que 6,1% de la population active aurait plus de 65 ans.

L’accès aux universités est coûteux. Une étude de HSBC de 2013 chiffrait le coût d’une année d’étude aux Etats-Unis à en moyenne 27.000 $. Les Américains commencent à économiser très tôt pour permettre à leurs enfants l’accès à l’université. Pour les employés à faible revenu, enchaîner deux jobs plus travailler au noir pendant le week-end est le seul moyen de financer les années de college (faculté) de leurs enfants.

Est il étonnant dans ce cas que les 73% des Américains disent que travailler dur est indispensable pour réussir dans la vie ?

Photo credit: Fotolia

 

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3 Comments

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    1. says: Catherine

      Merci Vanina. Je trouve en effet les chiffres frappants. Les deux pays voient leur famille en premier plan quand on leur demande comment définir leur succès, mais dès qu’on s’approche du travail, quelles différences !

      La version adaptée de ce post en anglais a provoqué beaucoup de commentaires ici, sur LinkedIn et Facebook. Je devrais en faire un update… http://www.howtoguide.org/networking-in-france/