L’intégration des nouveaux médias dans le marketing est à la traîne dans les sociétés françaises. Les PME sont particulièrement touchées, la principale cause étant le manque d’expérience ou de formation en marketing digital. Pourtant les nouveaux médias offrent de grandes opportunités pour se développer face à la concurrence. L’observation du marché américain peut il inspirer durablement nos PME ?
Le 14 avril dernier, je faisais un discours sur le marketing inter-frontalier à l’Euro Cocktail de Minneapolis. Lors de mon arrivée à l’hôtel, j’ai trouvé dans ma chambre un plateau repas avec du fromage, des fruits et des crackers. Une attention adorable que j’ai particulièrement appréciée. J’en ai fait un tweet, avec une photo et une mention du compte Twitter de l’hôtel. Moins d’une demi-heure plus tard, l’hôtel avait non seulement répondu mais aussi favorisé mon tweet.
Les nouveaux médias au service de la clientèle
Pourquoi vous parler de cette expérience ? Le 1er avril, je publiais cet article sur Petit Bateau et co. aux Etats-Unis. Je m’y plaignais de l’absence de réaction à ma prise de contact via le site internet du groupe Zannier. Zannier, c’est entre autres la marque Catimini. Finalement, le 17 avril, j’ai reçu un mail de Jean-François D., Export Manager de la marque Catimini. Quelques minutes plus tard, un autre email venant celui là du groupe Zannier et signé par Karine. En gros, il leur a fallu trois semaines pour répondre à une question banale : où puis-je acheter du Catimini aux Etats-Unis ? Quel contraste avec l’équipe du Hilton !
Quelques jours plus tard, je lisais le blog de Steph Hyken, un grand spécialiste du customer service et auteur pour le New York Times. Selon une étude de American Express, 25 % des clients qui se plaignent par le biais des réseaux sociaux attendent une réponse en moins d’une heure. Vous me direz que je ne me suis pas plainte de Catimini. Oui, mais…
Voici la réponse de Karine :
Histoire de vous remettre dans le bain… J’avais bien trouvé le site de Catimini USA puisque c’est de là que je les avais contactés en demandant où trouver des points de vente Catimini aux Etats-Unis. Me donner une adresse sans numéro de téléphone, un nom et adresse email, ne va certainement pas m’aider. Non, mais c’est bien sûr ! Je vais me faire une escapade à New York ! Quel bon prétexte ! Sérieusement, après avoir fini ce blog, j’irai me mettre les fesses dans le bus Bethesda-New York et dans quatre heures, arrivant à Penn Station, je ne serais qu’à un bloc de cette adresse où j’irais sonner, la bouche en coeur…
Les Etats-Unis – un exemple à suivre ?
Où veux-je en venir aujourd’hui ? Patience, Jean-François, vous allez en prendre pour votre grade vous aussi ! Catimini et le groupe Zannier illustrent par leur réaction tardive le sujet de mon article : les Etats-Unis sont très en avance dans l’intégration des nouveaux médias dans leur marketing. Et je suis sympa de dire nouveau média, alors que l’internet est un jeune adulte. En l’an 2000, je développais déjà les premiers sites marques pour la boite où je travaillais, et elle n’était certes pas dans les premières.
Nouveaux médias ne veut pas dire uniquement réseaux sociaux. Et la digitalisation de l’entreprise a eu un impact bien supérieur à la moyenne pour les équipes de vente, marketing et service clientèle. Sites internet, email et newsletter, applications, réseaux sociaux, smartphones, nous sommes tous plus ou moins en ligne du matin au soir.
Aux Etats-Unis, le monde de l’entreprise a complètement intégré ces nouveaux médias dans les activités. Au moment de payer chez Apple mais aussi Abercrombie & Fitch, vous pouvez vous décider pour un reçu électronique. Dans ce cas, dès le lendemain, vous recevrez un premier mail promotionnel.
Il est vrai qu’il est facile sur le territoire américain de collecter des données à caractère personnel et de les utiliser sans attendre. Dans l’Union Européenne, nous sommes protégés par la directive 95/46/CE. En France, la loi de référence est la loi informatique et libertés, complétée par plusieurs décrets.
Ici, rien de tout cela. Il n’existe pas de législation fédérale, globale réglementant la question de la « vie privée » et celle ci n’est pas un droit constitutionnel aux Etats-Unis. Celle de la question du traitement des données à caractère personnel ne l’est donc pas non plus. Seulement quelques secteurs, comme la santé et le secteur bancaire, disposent d’une législation propre concernant le traitement des données personnelles.
Le retard des PME françaises
Deux chiffres m’ont interpellé récemment : 15% des entreprises exportatrices de la région parisienne n’ont pas de site internet ! Et 1/3 des sociétés qui exportent et disposent d’un site internet… n’ont pas de version en anglais ! Pas étonnant après, que seulement 35 % des PME françaises exportent.
Une autre constatation : les équipes marketing manquent cruellement de compétence en marketing digital. Si les nouveaux entrants sur le marché ont grandi au lait digital, leur expérience en marketing, elle, est limitée. Les conséquences : des actions à court terme loin souvent du coeur de marque. Quant aux managers expérimentés, leurs connaissances du marketing numérique se limitent à leur rôle en tant qu’utilisateur. J’ai souvent observé dans les PME avec des produits ciblant une clientèle jeune, une envie de développer le marketing digital… et finissant avec une promotion sur Facebook. Pourtant Facebook n’est pas le médium des jeunes, et ne l’était plus déjà il y 3-4 ans. En 2012, l’âge moyen de l’abonné à Facebook était de 44 ans en Allemagne et de 43 ans en France.
Recruter un manager en marketing digital est bien délicat pour les PME. En dernier lieu, ce sont des solutions internes qui comblent le vide. Soit un “petit jeune” fera l’affaire, jeune diplômé avec 2-3 ans d’expérience. Ou un vétéran du marketing sera chargé d’intégrer les nouveaux médias dans le marketing. Dans les deux cas, ce seront des tâches ingrates. Rien que couvrir le buzz sur une marque dans les réseaux sociaux nécessite au moins une personne à plein temps !
Catimini USA n’est qu’un exemple
Revenons à Jean-François D. Son message après trois semaines d’attente me renvoie au site de Catimini USA, un site de vente en ligne… sur lequel j’avais utilisé la fonction Contact. Je suis donc retourné sur la page, ai re-recherché l’information que je n’ai pas toujours pas trouvé. Doutant de moi, j’ai répondu à Jean-François par retour que j’étais sans doute une utilisatrice inexpérimentée mais que je ne trouvais pas la liste des points de vente demandée. J’ai bien pris soin d’utiliser mon mail professionnel, celui avec la signature “Rochereul & friends – Digital, marketing, consulting”. Et avec la mention “Proud blogger on www.HowToGuide.org“. Et pourtant, j’attends encore une réponse.
Sur des marchés saturés, faire la différence est crucial par rapport à la concurrence. Utiliser les nouveaux médias pour communiquer est le bon choix. Aux Etats-Unis, il est impensable pour une marque du grand quotidien de ne pas utiliser toute la palette du marketing, y compris le digital. Les offres d’emploi dans le marketing le sont exclusivement pour des postes dans le marketing digital. Une PME française prête à investir dans cette direction pourra faire la différence et faire croire ses ventes de manière sensible. En France comme partout ailleurs.
Un contre-exemple américain
Teespring est une start-up créée il y a 3 ans. Elle vend uniquement en ligne des tee-shirts au slogan provocateur (je simplifie un peu, ceux que cela intéresse peuvent aller voir leur site www.teespring.com). En 2014, Teespring a vendu 7 millions de tee-shirts et généré un chiffre d’affaires de 100 millions de dollars. Pour soutenir ses ventes, Teespring utilise essentiellement le micro-targeting des réseaux sociaux. Facebook et co. disposent d’informations concernant leurs utilisateurs qui ne se limitent pas aux critères démographiques, mais qui les recoupent avec leurs préférences, loisirs, etc… Facebook est d’ailleurs très performant dans les segmentations de ses abonnés puisqu’il connecte les données multi-écrans.
Il est tellement plus facile aujourd’hui de cibler son audience grâce aux nouveaux médias, d’autant plus que leurs outils de contrôle contribuent largement à une efficacité accrue. Le marketing digital constitue une réelle opportunité pour faire monter en puissance les ventes d’une marque. C’est vrai en France où le marché de la publicité digitale a encore beaucoup d’espace, mais aussi aux Etats-Unis où les marques françaises de vêtements enfants sont sous-représentées. Alors Catimini, quand allez vous surfer sur la vague de la mode française ?
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Crédit photo : Fotolia by Vitalinka
Merci Catherine pour cet excellent blog. Vos expériences sont très instructives.
Qu’ un groupe comme Catimini mette 3 semaines à répondre à une simple demande, c’est à peine croyable. Le marché américain ne les insteresseraient pas ? Bien sûr que si mais c’est le manque total de circuits de communication modernes et efficaces qui leur manque. Avec cet exemple, ce sont de nombreuses entreprises que vous décrivez.
Je suis fière de mon pays et de ses produits mais si souvent j’ai honte de la façon dont certains gâchent tout ça par manque d’ouverture (simplement par manque d’intérêt de ce que font les autres). Depuis des décennies certaines organisations n’ont absoluement pas évolué, après on s’étonne des médiocres résultats. Je me demande si on parle aujourd’hui aux étudiants d’innovation, de change management…
Ce qui m’énerve encore plus, c’est l’absence de marques française en général dans les supermarchés. Je reviens de West Virginia où j’ai passé Thanksgiving. Petite “ville“ de 1400 habitants avec un supermarché et un Dollar General (hard discount). Et bien je pouvais y acheter par exemple du Jägermeister, des pâtes Barilla, des caramels de Storck, Toffifee, mais zéro de zéro de trucs français.
J’ai souvent entendu des entrepreneurs disant qu’ils n’aimaient pas travailler avec les français (problèmes linguistiques, logistiques, manque de souplesse).
En tant que cliente, j’ai souvent eu des problèmes avec les sociétés françaises, incapables de s’adapter à des situations inhabituelles pour elles. Pour en citer une très connue, la FNAC, où j’aimais m’approvisionner en littérature et musique françaises. Livraisons sans problème jusqu’au jour où ils fait erreur sur le contenu de la livraison. La procédure pour les clients français, on colle l’étiquette sur le paquet et on renvoie frais payés. Procédure pour les clients étrangers ?… il n’y en avait pas. Pas d’adresse e-mail, numéro de téléphone non valables depuis l’étranger, aucun service après-vente accessible de l’étranger.
Néanmoins, si les entreprises traditionnelles ou celles qui vendent dans la grande distribution ont du mal à s’adapter aux differents marchés, je tiens à souligner qu’il y a de jeunes entreprises très performantes. Mon mari fait du cyclisme en compétition. Il achetait toujours ses équipements en Autriche jusqu’à ce qu’il découvre il y a quelques années la marque EKOI qui fabrique des vêtements et équipements vélo. Ils ont un marketing très intelligent (et ils comprennent les comportements d’achat de chacun, c’est bluffant) et une logistique irréprochable, en plus de très bons produits. Leur site Internet est dans toutes les langues de leurs clients. Mon mari est accro !
Assez d’accord sur le fait qu’il a des PME françaises innovantes et au top du service.
Tiens, ça me rappelle mon inscription à l’Alliance française de Washington, j’ai du m’y reprendre par 5 ou 6 fois tant le site fonctionne mal…
Incroyable quand même, on est en 2017 !