Mon quotidien avec les armes à feu aux Etats-Unis
En mai dernier, je parlais du Deuxième Amendement qui, grosso modo, spécifie que la possession et le port d’armes sont un droit constitutionnel ancré dans l’ADN des Etats-Unis. Mais qu’est ce que cela veut dire au quotidien ?
Il y a quelques jours, je me promenais dans Easton, une petite ville de la Chesapeake Bay (j’en ai d’ailleurs fait un post “How to take a break from blogging”). Et vlan, en plein milieu de la vieille ville, je tombe sur ce magasin “Albright’s Gun Shop – Gunsmith“.
Un marchand d’armes en plein centre ville ? Entre une pharmacie et un théâtre ? Cela m’a plutôt estomaqué.
N’y une, ni deux, je suis rentrée dedans et j’ai taillé une causette avec Monsieur Albright et son armurier, qui ont été ravis de me conseiller et informer !
Alors, non, je ne suis pas sortie armée. D’abord c’est pas mon truc, ensuite ce n’est pas tout à fait aussi simple dans l’état du Maryland.
J’aurais certes pu acheter une carabine sur le champ, et c’est d’ailleurs ce qui se vend surtout chez Albright’s Gun Shop. Mais non, je n’ai aucune ambition de me mettre à la chasse.
La vente d’armes à feu dans le Maryland
Les armes d’épaules (fusils, carabines) sont en vente libre, ne requièrent pas de permis de chasse, peuvent être portées sans aucune restriction et sont complètement anonymes. Un sacré choc culturel…
[tweetthis display_mode=”box”]La loi du Maryland sur les armes de poing est l’une des plus strictes aux Etats-Unis[/tweetthis]En revanche, la législation du Maryland pour les armes de poing est l’une des plus strictes aux Etats-Unis. Vous devrez passer beaucoup d’étapes avant d’acquérir un revolver, pistolet etc. : permis, vérification des antécédents, prise d’empreintes, enregistrement obligatoire auprès de la police, restriction de la taille du chargeur, interdiction du port d’armes libre, etc.
Restons honnêtes, c’est bien la première fois où je vois un magasin vendant des armes en pleine ville. Jusqu’à ce jour, je ne les avais rencontré que sur des bords de route isolée… où dans un Walmart du Tennessee.
Je ne connais personne qui possède une arme
J’habite dans une banlieue bon chic bon genre de Washington. Aux pancartes électorales plantées devant les maisons, il est clair que mon quartier est très libéral. Je n’y a pas vu un seul message de soutien à Donald Trump et la criminalité y est inexistante, mis à part quelques vols d’autoradios la nuit.
J’ai fait un petit tour de mes amis américains, leur demandant directement s’ils avaient une arme à la maison, où s’ils connaissaient des gens qui en possédaient une. Voilà un aperçu de leurs réponses :
Virginia, juriste, mère d’un garçon de 17 ans et d’une fille de 21 ans :
“I don’t have a gun at home, and I don’t know anyone who does. And if I found out someone did, I would never let my child go over there. Ever.”
Adriana, microbiologiste et mère de deux enfants de 10 et 17 ans :
“We don’t have guns in the house, and I don’t let my son go to houses where I know the parents are pro-guns… I know about a couple, but that was not an open discussion, it was part of an unrelated conversation a few years ago. But I was paying close attention and therefore I did not encourage a friendship with their kids.”
Margaret, professeur retraitée, mère de trois enfants adultes et deux fois grand-mère (9 et 13 ans) :
“No, I do not own a gun and I do not know any gun owners. Speaking for myself, the very sight of a gun terrifies me and fills me with revulsion. I would never want one in my house.”
Il n’y a pas photo : aucune arme à la ronde. Ouf, je peux y envoyer mes enfants jouer en sécurité.
Alors comment se manifeste les armes dans ma vie de tous les jours ?
Ce sont d’abord les nouvelles locales qui relaient les fusillades dans Washington et ses alentours. Aujourd’hui 6 septembre 2016, c’est une attaque à main armée sur le campus de l’université de Maryland. Pendant le week-end, ce sont deux enfants (4 et 8 ans) blessés par balles à Baltimore. Particulièrement choquant, c’est ce bambin de deux ans qui tue sa mère dans un supermarché : il a sorti son arme du sac à main. Etc, etc.
Cela se passe presque toujours à des kilomètres de chez nous. Mais pas toujours.
En mai, les écoles de mes trois enfants déclenchaient une alerte, appelée ici lock-down. A cet effet, l’école se barricade de l’intérieur, et tout le monde se planque. Le long des murs, sous les tables, dans des placards, sous un bureau, et ce jusque l’alerte soit levée. J’ai passé trois heures très stressantes. Pour en savoir plus, je vous renvoie à ce post sur les armes aux Etats-Unis.
Après les journaux, ce sont des rencontres fortuites en dehors des villes qui nous confrontent à cette Amérique aux deux visages.
Nous avons profité du week-end prolongé de Labor Day (l’équivalent du premier mai français) pour faire une escapade en Virginie Occidentale (West Virginia). Sur le chemin du retour, nous nous sommes arrêtés à Boonsboro, Maryland. Et encore un vlan. Dans une échope du bord de route, il était impossible d’échapper à ces plaques publicitaires en métal !
La législation change d’état en état, et cela impacte fortement les mentalités
Le Maryland est un petit état. En quelques minutes, je suis en Virginie, un état où le deuxième amendement est pris à la lettre. Il spécifie “le droit de chacun de posséder et de porter une arme pour ce qu’une milice bien organisée est nécessaire à la sécurité d’un état libre”
J’ai donc posé les mêmes questions à une bonne copine américaine vivant en Virginie, elle aussi dans une ville plutôt BCBG. Maureen travaille dans les relations humaines et a un fils de 11 ans.
Me :
Do you have guns in your house and do you know gun owners in your neighborhood?
Maureen :
Yes, I know many people with guns. My friend straps her holster and gun for our morning walks. My brother carries one (with a license) and my husband wants one. We don’t have one in our house but my brother travel to our place with his.
Moi :
How do you feel about it?
Maureen :
I’m not sure. When my friend pulled her gun out in my kitchen and strapped it in her holster – my son was at the kitchen table. It’s her right to bear arms but I just wasn’t accustomed to seeing it casually like that.
Moi :
Did you say anything?
Maureen :
I just questioned what she was doing… I thought she was putting on a case for her cell phone.
Me :
It was a She? (j’ai été un peu longue à la détente sur ça. Elle le disait dès sa première phrase !)
Maureen :
Yes, a she. She has three guns, a concealed weapon license and always carries one. I’m safe with her 😉
Me :
Thanks for sharing, Maureen!
Quelle différence avec ma banlieue BCBG. Maureen habite à une demi-heure de mon bureau…
Une heure de route vers le nord et nous sommes en Pennsylvanie. Là aussi, les armes sont en vente libre… Pareil pour la Virginie Occidentale qui est à une heure à l’ouest.
Dans un an, ma fille ainée aura 18 ans. Elle pourrait alors aller s’acheter une arme à poing en Virginie : on ne lui demanderait RIEN et elle pourrait ensuite revenir à la maison avec son flingue dans le coffre (obligatoire en Maryland) sans laisser aucune trace de son achat.
N’importe qui peut acheter n’importe quoi à peu près n’importe où. Moi, cela me donne la chair de poule.